Lettre ouverte au maire de Canéjan : agissez enfin contre le surfpark !


Informations

Rappel des faits : Le maire de Canéjan a autorisé en 2023 la construction près de la rivière Eau Bourde de deux méga-piscines de surf. Toutes les autres projets de ce type ont échoué en France à cause de leur impact environnemental catastrophique. Deux associations de protection de la nature, la Sepanso Gironde et Surfrider Foundation, ont attaqué le permis de construire en justice. Le procès est en cours.


Monsieur le Maire,

Le 28 mars dernier nous avons organisé une réunion publique pour dénoncer le projet de surfpark à Canéjan, à laquelle beaucoup de riverains de Canéjan et Cestas ont participé. Nous avons expliqué à quel point ce projet était illégitime et avons demandé publiquement son annulation. Vous avez été élu en mars 2020, sur un programme mettant en avant la transition écologique, sociale et démocratique. Vous aviez promis d’agir pour la préservation de la ressource en eau et le renouvellement des formes de participation citoyenne, en créant notamment un droit d’interpellation citoyen. L’absence de liste d’opposition au sein du conseil municipal vous donne une responsabilité accrue en matière de fonctionnement démocratique local. Nous nous adressons maintenant directement à vous et aux élus de notre communauté de commune pour faire état de nos revendications.

Chronologie

Frise chronologique illustrant la communication très tardive sur le projet de surfpark.


Vous avez signé le 27 février 2023 le permis de construire de ce projet « hors normes », prétendument d’intérêt collectif, sans en avoir préalablement informé les habitants. Contrairement à ce que vous avez affirmé, vous pouviez communiquer sur le projet auprès de vos administrés avant de signer le permis de construire sans enfreindre le secret de son instruction : en effet, deux arrêtés préfectoraux concernant le projet avaient été publiés dès 2022. Vous avez fait le choix du silence puis cherché à vous justifier en expliquant qu’il s’agissait d’un projet privé sur un site privé ne bénéficiant d’aucun financement public. En réalité, pour justifier la construction du surfpark sur une zone d’activités non commerciale, vous avez dû le classer comme « équipement d’Intérêt Collectif et des Services Publics ». Or l’intérêt de ce projet pour la collectivité est très discutable. En effet, la Fédération Française de Surf a retiré son soutien à cause des risques sanitaires pris par les promoteurs. De plus, le public concerné par cette infrastructure est très restreint : la dépense moyenne par visite dans une piscine de surf varie entre 200€ pour un surfeur débutant et 350€ pour un surfeur confirmé.

En comparant le projet de Canéjan avec plus de 30 projets similaires ailleurs dans le monde, nous n’avons trouvé qu’un seul autre cas où le permis avait été délivré sans consultation publique : au Brésil. Depuis, l’état fédéral brésilien a attaqué les porteurs de projet et la commune pour avoir minimisé le projet afin d’éviter l’enquête publique. Partout ailleurs, les habitants peuvent s’exprimer sur l’opportunité du projet, les nuisances occasionnées et les risques de dévalorisation du patrimoine immobilier. En refusant d’informer les habitants, vous avez privé vos administrés d’un espace démocratique essentiel, ne leur laissant plus que l’option du contentieux juridique.

La construction de ces méga-piscines de surf changerait profondément le caractère de notre territoire, sur lequel affluerait plusieurs centaines de milliers de visiteurs par an. Cela ne manquerait pas de créer des nuisances pour les habitants de Canéjan et Cestas (circulation automobile, parking sauvage, rassemblements pour des concerts ou compétitions, bus, bruit, vibrations…).

L’opposition à cette aberration économique, écologique et sociale est très forte. Un sondage effectué début mars auprès de 138 personnes sur les communes de Canéjan et Cestas a montré que, parmi les personnes au courant du projet (100), 64% y étaient opposés et seulement 10% favorables. Plus de 62600 pétitionnaires réclament son abandon. L’ensemble de la communauté de communes Jalle-Eau Bourde est concernée, puisqu’elle récupère la compétence de la gestion de l’eau dès le 1er janvier 2026 ; les communes voisines de la métropole de Bordeaux le sont également puisqu’elles sont approvisionnées en eau potable par des forages situés à Canéjan.

Canéjan est située dans une zone à risque de l’aquifère. En minimisant considérablement les consommations en eau du surfpark (« tout viendra de la pluie »), les promoteurs ont évité que soit saisie la Commission Locale de l’Eau. Une contre-étude indépendante, transmise au juge administratif en janvier, montre que le surfpark pourrait consommer 41% à 55% de l’eau potable de la commune. La limite autorisée par la préfecture pour la commune de Canéjan serait ainsi largement dépassée. Or, la marge existante devait permettre d’absorber la croissance démographique de la commune (environ 7200 habitants prévus en 2035). Le préfet appelle régulièrement à plus de sobriété pour la consommation d’eau et les gestes pour économiser cette eau sont enseignés à nos enfants dans les écoles. Utiliser notre précieuse eau potable pour remplir des méga-piscines serait hautement démobilisateur.

Fin 2023, le conseil municipal de Canéjan a annoncé augmenter de 2€ le mètre cube d’eau à partir des 15 000m3 annuel, une mesurette loin de pouvoir décourager des promoteurs argentés. Il a ensuite demandé une expertise indépendante sur la consommation d’eau du surfpark. Comme le montre l’étude transmise au tribunal, la pluie ne suffira pas à maintenir les bassins à niveau : il faudra pour cela utiliser l’eau potable du réseau. En outre, le concepteur de ces piscines, la société Wavegarden, vient de reconnaitre publiquement l’importance de vidanger tous les 2 ans les bassins, et non « exceptionnellement », comme indiqué sur le permis de construire. Or chaque vidange implique de déverser 20 millions de litres d’eau pleine de désinfectants dans la rivière Eau Bourde voisine puis de remplir les énormes bassins avec l’eau du réseau public.

Nous vous demandons donc d’annuler le permis de construire, ce qui est possible puisque celui-ci a été attaqué pour fraude. Vous pouvez aussi interdire aux promoteurs le prélèvement de l’eau du réseau public pour remplir les bassins après vidange et pour les maintenir à niveau, puisqu’ils prétendent ne pas en avoir besoin. Ils n’auraient alors en vérité d’autre choix que d’abandonner leur projet devenu inviable. Nous vous demandons par ailleurs de saisir la commission locale de l’eau et de bloquer toute tentative des promoteurs de démarrer les travaux durant le procès.

Vu l’absence de concertation démocratique, certains habitants ont choisi d’afficher chez eux leur opposition au surfpark. Prétextant d’une réglementation municipale sur la publicité, vous avez tenté d’étouffer ces expressions d’opinion en menaçant ces habitants, soucieux de la préservation raisonnée de nos ressources vitales, de procès-verbaux et d’amendes. Nous vous demandons de cesser ces pratiques choquantes et vous informons que nous allons intensifier notre campagne pour rendre encore plus visible notre mobilisation citoyenne.

Collectif NON au surfpark à Canéjan, porté par l’association Collectif Canéjan en Transition

Sources citées :

  • Compte Facebook Bernard Garrigou 2020.
  • Magazine de Canéjan, Janv-Fév. 2024.
  • Magazine de Canéjan, Mars-Avril 2024.
  • Article de Sud-Ouest du 07/08/2023 : « Projet de Surfpark en Gironde : « Je n’avais aucune raison de refuser le permis », assume le maire de Canéjan ».
  • Site de Surfpark Central: How Are People Getting to and Spending in Surf Parks? Part 2. 20/02/2024.
  • Site internet de la société Wavegarden : Fighting fake news in the Surf Park sector, 10/04/2024.

La lettre au format PDF