Le Jury de Déontologie Publicitaire donne à nouveau raison aux opposants au projet de Surfpark à Canéjan


Informations

Communiqué de presse : CP Canéjan Avril 2025.pdf

Complément au communiqué de presse du 7.04.2025

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), « l’ARCOM de la publicité », fait des recommandations pour des publicités plus responsables, y compris en matière de respect de l’environnement. Le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) est chargé de traiter les plaintes à l’encontre d’annonceurs ne respectant pas ces recommandations. En juillet 2024, le JDP a considéré que notre première plainte sur la vidéo de présentation du projet de surfpark à Canéjan, intitulée « construire le 1er surfpark de France », était fondée. C’était une première reconnaissance officielle du greenwashing des promoteurs. En dépit de cet avertissement, ceux-ci ont estimé que c’était « juste un avis » et non une « sanction », et ont poursuivi leur communication trompeuse via une nouvelle campagne publicitaire incluant un tract distribué aux habitants, un site internet vantant le projet et une nouvelle vidéo sur les réseaux sociaux, où ils répondent à leurs opposants, parfois en reprenant le même argumentaire jugé non conforme que dans leur première campagne publicitaire. Notre deuxième plainte ciblant cette campagne vient d’être jugée largement fondée par le JDP. Nous détaillons ici les principaux manquements

Le vrai déboisement

Les promoteurs ont-ils dû déboiser ? Dans leur nouvelle vidéo YouTube (11:41), ils prétendent que non, en jouant sur les mots : « Aujourd’hui on nous reproche d’avoir, dans notre vidéo de présentation, dit qu’on n’avait pas déboisé mais réhabilité. En fait, si on revient à la définition du terme déboiser, c’est vraiment dégarnir un terrain de sa forêt, de ses bois. Bah je confirme : on n’a pas déboisé parce qu’il n’y avait pas de forêt sur ce terrain. […] Dire qu’on est allés déboiser, c’est vraiment mensonger. »

Pourtant, le JDP avait déjà conclu dans son premier avis que « le projet […] a requis le déboisement d’une partie de la parcelle sur laquelle il est installé et conduira à l’extension du bâti ». Le terrain destiné à la construction du surfpark était constitué d’un boisement de chênes et d’un ancien parking arboré (Figure 1). Une autorisation préfectorale de défrichement a été obtenue en 2022 (Arrêté n° 22-047), permettant l’abattage et le dessouchage des arbres.

Selon le Code forestier, le défrichement est défini comme la destruction de l’état boisé d’un terrain et la suppression de sa destination forestière. La constatation de l’état boisé résulte d’une constatation de fait et non de droit. Il y a donc bien eu déboisement. Cette tentative de dénégation illustre la volonté des promoteurs de préserver à tout prix l’image écoresponsable du projet. Dans son deuxième avis, le JDP a logiquement confirmé le déboisement.

déboisement
Figure 1 : Photo du site en 2021 et 2023 (avant et après déboisement). L’emplacement des deux bassins figure en jaune. Depuis la dernière photo, les arbres restants situés sur l’emplacement prévu des bassins et des bâtiments ont été coupés.

La fausse autonomie du projet

Les promoteurs affirment que leur projet est autonome en eau et en énergie. Dans la première vidéo de présentation, ils déclarent : « rendre ce monde viable, c’est innover de nouveaux projets qui ne prendront pas plus à mère nature que ce qu’elle peut nous donner ». Cette affirmation, bien que jugée trompeuse une première fois par le JDP, a été reprise dans un tract distribué aux habitants : « Ce projet innovant permet une autonomie en eau et en énergie ».

L’autonomie en eau serait assurée par un apport d’eau de pluie récupérée sur les toits industriels voisins. Sans rentrer dans le débat de l’autosuffisance en eau des bassins de surf, les promoteurs eux-mêmes reconnaissent un besoin en eau potable pour les activités annexes (ex. douches). De plus, l’eau potable est requise pour le premier remplissage des bassins et en cas de vidanges, recommandées tous les 2-3 ans. Il est donc faux de prétendre que la récupération d’eau de pluie suffira. Concernant l’autonomie énergétique, les promoteurs ont dû reconnaître que leurs panneaux solaires ne suffiront pas en hiver : « l’hiver [on ne produira] pas assez, et on viendra puiser dans le réseau comme n’importe quelle autre entreprise » (vidéo YouTube 04:21). Cette période correspond au pic de consommation électrique nationale. L’énergie nécessaire au surfpark est conséquente : 2 GWh/an, selon les promoteurs, soit la consommation électrique de 1000 personnes en France. Une particularité du projet à Canéjan est d’avoir deux bassins séparés au lieu de deux bassins couplés (Figure2a). Cette configuration entraîne un double investissement, des coûts de maintenance plus élevés, une plus grande perte d’eau et surtout une consommation électrique quasiment doublée. Le constructeur Wavegarden avait pourtant conçu son système pour optimiser l’énergie avec des bassins couplés (Figure 2b).

Fausse autonomie
Figure 2 : (a) le projet à Canéjan comprend deux bassins avec deux zones de générateurs (en orange) contre une seule (b) pour un dispositif classique avec des bassins couplés (Crédit photo : Stadt Krefeld/Global Shots/Wavegarden).

La norme Afnor

Les promoteurs ne comptent pas appliquer la norme Afnor « Installations de vagues pour le surf », qui permet de garantir la sécurité des pratiquants dans ces installations sensibles, arguant que cela serait trop contraignant :

Vidéo YouTube (11:00) : « La norme Afnor est une norme expérimentale […] Partant de là, nous avons appliqué tous ces critères-là, sauf que, vu qu’elle est expérimentale, nous l’avons même améliorée. L’eau de baignade classique, elle demande une vidange annuelle, un renouvellement du volume d’eau de 3 à 5% par jour. Ce qui est un énorme gaspillage d’eau. On va éviter ce gaspillage là en se classant en tant qu’activité nautique ».

Or cette affirmation est fausse : c’est environ 100 fois moins. En effet, la norme Afnor en question exige en réalité d’appliquer la réglementation des Baignades artificielles, moins contraignante que celle des Piscines.

Utilisation de l’image d’autres organisations

Les promoteurs ont affiché le soutien de diverses organisations sans leur accord. Le site internet du projet mentionnait des partenariats fictifs avec deux associations, rapidement retirés après protestation. De plus, des expressions ambiguës sur un flyer laissaient entendre un soutien de la commune : « Canéjan soutient ses jeunes et ses associations… » ; « Canéjan, précurseur en terme de transition écologique ». Des élus canéjanais ont envoyé une lettre de protestation.

Le Canéjan Surf Club, créé par les promoteurs, n’est pas affilié à la Fédération Française de Surf, contrairement à ce qui était initialement indiqué sur leur site. En effet, la Fédération a retiré provisoirement son soutien au projet en raison du manque de transparence sur la consommation d’eau et la non-application de la norme Afnor. Les promoteurs ont aussi utilisé l’éco-label B-Corp sur un post Instagram et un flyer sans autorisation, pratique dénoncée par B Lab France (Figure 4).

Ces procédés ont comme point commun de tenter de profiter indûment de la réputation d’autres acteurs ayant une bonne image en matière sociale ou environnementale.

Utilisation illicite de marque
Figure 3 : utilisation illicite du logo de l’organisme écocertificateur B-Corp dans la communication du projet de surfpark (ici, sur le compte Instagram @surfparkcanejan).

Lettre reçue
Figure 4 : Message reçu de B-Corp

Dénigrement du Jury de déontologie publicitaire

Suite au premier avis de non-conformité du JDP, les promoteurs ont minimisé son importance : « C’est juste un avis », « la décision […] n’a en réalité que peu de valeur objective », etc. Ils remettent donc en cause l’impartialité du JDP, instance présidée par une Conseillère d’État. Les avis du JDP sont habituellement très respectés par la profession : il est rarissime qu’une publicité jugée non conforme soit maintenue. Il est inédit qu’une entreprise épinglée accuse le JDP de partialité.

Conclusion

Nous demandons aux porteurs de projet de retirer les deux vidéos successivement épinglées par le JDP qui sont toujours en ligne. La première vidéo de présentation du projet a déjà été jugée non conforme, mais les promoteurs ne l’ont jamais retirée sous des prétextes fallacieux. La seconde vidéo, objet de cette nouvelle plainte, a également été épinglée pour communication trompeuse. Cette fois, les promoteurs ont participé aux échanges avec le JDP qui a néanmoins confirmé ses conclusions.

Nous demandons donc à nouveau le retrait immédiat de ces contenus trompeurs .

Sources

Fichier PDF de ce complément d’informations : Texte JDP Avril 2025f.pdf