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Analyse de la communication |
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Instaurer un sentiment d’unité.
Dans cette séquence, les promoteurs du projet cherchent à rassembler pour mieux faire passer les messages qui vont suivre. Par l’usage du tutoiement, ils nous incitent à penser que nous appartenons à la même tribu des amoureux des vagues frustrés par le manque de bonnes conditions de houle afin de faire adhérer le plus grand nombre à leur projet. Pour que le message passe bien dans le registre des émotions, ils ont fait appel à Damien Boisseau, acteur expérimenté, la voix française de Matt Damon et d’Edward Norton, entre autres. Tout au long de la vidéo, pour affirmer cette idée d’appartenance, ils ponctuent le commentaire de petites phrases de rappel du type :
Discréditer les arguments de son adversaire.
La voix off du comédien est utilisée pour reprendre les arguments des écologistes et les faire parler avec un ton péremptoire afin de mieux les discréditer. Prétendre qu’il s’agit d’un projet motivé avant tout par les besoins des surfeurs.
Ils cherchent à faire croire qu’ils font cela pour la sécurité des surfeurs, de leurs enfants et des personnes en situation de handicap. Il s’agit pourtant bien avant tout d’une opération immobilière portée, financée et dirigée par Philippe ALGAYON, père d’Édouard ALGAYON. Un autre associé, Eneko ELOSEGUI, est en charge du développement commercial de la société Wavegarden en Europe et plus particulièrement en France. Cette société a pour objectif de vendre sa technologie de piscine à vagues dans le monde entier. |
Dans cette vidéo, la manipulation des promoteurs consiste ainsi à mettre le public en confiance pour mieux faire passer leur publicité mensongère. En voici cinq exemples.
Analyse technique |
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Premier exemple : Un terrain déjà bétonné et déboisé ?
Ce terrain qu’ils ont « trouvé » est un ancien site industriel qui appartient depuis plus de 10 ans au promoteur Philippe ALGAYON. Jusqu’en 2022, 87% du terrain était recouvert de chênes centenaires et autres essences dont du houx, soit plus de 3 hectares. Ces arbres, vu leur âge, faisaient partie de l’ancienne forêt du Courneau, une forêt de feuillus riche et diversifiée qu’il aurait été facile de restaurer. Une partie du terrain (0,5 ha) étant restée entièrement naturelle, une autorisation préfectorale de défrichement a dû être demandée et obtenue en 2022, malgré l’absence d’expertise faunistique et floristique sérieuse, en échange d’une compensation au fonds stratégique de la forêt et du bois.
Le défrichement a été effectué durant l’hiver 2022-2023 afin permettre la construction du surfpark. Le nettoyage et dessouchage du terrain s’est poursuivi cet automne :
Ce défrichement et l’élimination des souches a permis de tourner cette vue aérienne extraite de la vidéo. Les angles de vues ne permettent pas de visualiser l’ampleur du déboisement effectué : Deuxième exemple : Un surfpark, ça n’a pas besoin d’eau ?
C’est faux : il faudra énormément d’eau potable du réseau public issue des nappes profondes. Le surfpark, ce n’est pas que les piscines, ça inclut aussi les infrastructures annexes. Par exemple, rien que pour les douches, nous avons calculé qu’il faudrait plus d’eau que pour le remplissage initial des deux piscines. De plus, pour maintenir à niveau les deux méga-piscines, un apport d’eau potable sera indispensable. Ces piscines à vagues en plein air relativement peu profondes sont en réalité de véritables évaporateurs géants : toutes les conditions sont réunies pour que l’eau s’évapore le plus rapidement possible. Les promoteurs considèrent que les pertes d’eau de leur méga-piscines à vague correspondent à celles d’un simple gazon et ils surestiment beaucoup la quantité d’eau de pluie qu’ils pourront récupérer sur les toits. Nous allons prochainement donner les détails d’une contre-étude réalisée par des hydrologues utilisant les méthodes de référence pour les calculs d’évaporation. Le dérèglement climatique aura pour effet d’augmenter beaucoup l’évaporation et de diminuer les précipitations, notamment en été, quand elles sont les plus importantes pour remplir les piscines.
Troisième exemple : on fermera un des deux bassins
La contre-étude que nous avons demandée à des experts hydrologues montre qu’en conditions d’autonomie totale en eau, comme envisagé par les promoteurs, le petit bassin devra être fermé au moins la moitié de l’année, et le grand bassin pendant plusieurs mois presque tous les ans : de quoi mettre la clé sous la porte et faire fuir les investisseurs ! Quatrième exemple : Pas besoin de vidanger ?
C’est trompeur. En effet, des problèmes d’ordre sanitaire ou technique peuvent nécessiter une vidange dans les piscines à vagues Wavegarden. Par exemple, la piscine à vagues Suisse d’Alaïa Bay, utilisant la même technologie Wavegarden qu’à Canéjan, a dû procéder à quatre fermetures en 2022 pour des raisons de gros travaux suite à des fissures importantes dans le béton et à l’arrachage du liner. Cette année-là, ce sont donc plus de 26 millions de litres d’eau chargée en produits chimiques désinfectants qui ont été déversés en pleine nature, à proximité du Rhône. Pendant la première vidange, fin janvier 2022, l’autorité environnementale suisse, alertée par des associations et des citoyens, a fait une visite surprise pour constater une vidange sauvage dans le ruisseau en bordure de la piscine de surf d’Alaïa Bay. En 2023, de nouveau, des plongeurs ont dû intervenir pendant plusieurs nuits en juillet 2023 pour sécuriser les fissures et freiner l’arrachement du liner dans les deux bassins. Pour les nombreux déboires de cette piscine à vagues suisse qui sert de vitrine à la société Wavegarden, voir ici. La piscine à vagues d’Alaïa Bay applique la législation suisse des piscines publiques et renouvelle l’eau par apport d’eau neuve issue du réseau d’eau potable pour raisons sanitaires : visiblement, l’effet d’oxygénation des vagues ne suffit pas ! Le liner recyclé sans béton qui est prévu pour les deux bassins de Canéjan est complètement expérimental : aucune structure Wavegarden en exploitation dans le monde ne l’utilise.
Cinquième exemple : transports et bilan carbone
Ce qui est sûr, c’est que le site n’est pas desservi par des transports publics. Le modèle économique ne peut pas tenir avec une clientèle issue uniquement de la métropole bordelaise. De très nombreux surfeurs viendraient depuis la côte atlantique, d’autres de toute l’Europe pour découvrir la nouvelle vitrine de la société Wavegarden. |
Conclusion
Un projet qui ne prend « pas plus que ce que mère nature nous offre » ?!
L’utilisation de cette allégorie douteuse est choquante, venant de promoteurs qui veulent construire un gigantesque surfpark. Cette vidéo occulte le défrichement préalable de la parcelle, la perte de biodiversité, l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols en profondeur, les conséquences pour les zones humides voisines du prélèvement de l’eau de pluie sur près de quatre hectares, le recours massif à l’eau potable des nappes profondes, l’effet des piscines à vagues et de l’éclairage nocturne sur la faune, l’effet des nuisances sonores et des ondes vibratoires dues au déferlement des vagues sur un sol dur et au générateur à vagues (jusqu’à 1000 vagues à l’heure). Quels impacts sur la faune et sur les habitants et employés riverains du site ? Quels seront les conséquences potentielles des vidanges et trop-pleins avec de l’eau chargée en produits chimiques de décontamination sur les nappes et la rivière voisine ? De nombreuses espèces rares et menacées sont présentes à proximité, comme la loutre ou la tortue cistude.
Pour rappel, il n’y a eu aucune étude d’impact, ni enquête publique, aucun bilan carbone, aucune expertise sur la modification locale du cycle de l’eau, permettant de garantir la préservation de la biodiversité, de la ressource en eau et de l’impact carbone du projet. Voilà pourquoi les associations de protection de l’environnement ont dû saisir le Tribunal Administratif de Bordeaux.
Une tortue cistude, espèce protégée et menacée. Une population de ces animaux est présente dans ce qui deviendrait l’exutoire des eaux usées du surfpark. Crédit : R. Petit
La loutre d’Europe, espèce protégée faisant l’objet d’un plan national d’action, est également présente dans la rivière Eau-Bourde qui jouxte le site prévu pour construire les piscines à vague. Crédit : Andrea Bohl.